Je ressens une forte attirance pour le travail des mains. L’artisanat, qu’on dit aussi. Très novice, et pas particulièrement douée, il y a cette insatiable quête de tout faire soi-même et, au passage, le faire avec créativité. Peut-être est-ce là que me triture l’appel, dans la rencontre avec l’expression artistique et sa commodité ?
Une autre énigme que je tente de réconcilier de par mon geste quotidien – par une écriture décomplexée, une oralité de tous les jours.
Infatigable, je n’y arrive pas encore tout à fait.
Force est d’admettre qu’il y a quelque chose de profondément satisfaisant à réaliser, de ses mains, un objet qui aura de facto une utilité non-questionnable. Et qui deviendra ainsi un peu inébranlable. Solide. Véritable.
En vrai, je me bats souvent inconsciemment avec le doute que ce à quoi je me dédie, avec sacrifice et ardeur, serve finalement à pas grand-chose. Un recueil de poèmes, qui me demandera une consécration considérable, des années d’allégeance et une vie à le défendre, quel sera son impact – réellement ?
Par contraste, cette écharpe, ce bol, cette bougie, m’apparaissent soudainement salvatrices. Me séduisent et m’assouvissent. Mais une autre angoisse monte. Celle de la petitesse contraignante. De l’industrie qui roule et pèse. Du regard un peu méprisant, aussi parfois, que l'on pose sur ce genre d’activités professionnelles. Comme s’il était seulement question de loisir, voire même de perte de temps, quand on t’assure que le même truc s’achète au magasin pour quelques dollars… et qu’il parait bien plus sûr.
Ainsi, cette bousculade dans mon crâne ce matin m’amène ici : qu’est-ce qui opposent (ou différencient) art et artisanat ? Et surtout, pourquoi est-ce que les arts avec un grand A relèveraient davantage de « l’esprit » alors que l’artisanat, lui, semblerait relégué au faire ?
Encore cette division tacite qui nous monte l’une sur l’autre. Universitaires sur collégiaux. Médecins sur infirmières. Intellectuels sur peuple.
De par ma lorgnette circulaire, cela m’apparait absurde. Je n’ai qu’un désir, écheveler tout cela. Brouiller les pistes, les lignes du quadrilatère. Me fondre l’une dans l’autre. Renaitre ensemble. J’ai donc envie de me demander – comment rendre l’art plus utile et l’artisanat plus abstrait, aka grandiose ?
J’entends déjà le milieu des arts qui hurle trahison, amateurisme et de l’autre, les foires qui me refusent l’entrée, voyant là un sérieux manque de savoir-faire ou pire, de savoir-vivre.
N’empêche, je trouverai bien une façon de découdre tout ce manège.
Tiré de Culture de la terre, par Charlotte L'Orage
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